Le magazine de la Charente-Maritime n°96

24 / Histoire LES BRÛLOTS DE L'ÎLE D'AIX Tout commence par un ordre impérial. Napoléon veut renforcer les Antilles, menacées par les Anglais. Une escadre quitte Brest et rejoint Rochefort, où elle est aussitôt repérée. Car, au nord, sur la rade des Basques, Lord Gambier, à la tête d’une flotte anglaise puissante, veille. Ils sont trente-quatre navires, onze vaisseaux de ligne, d’énormes machines de guerre dont le Caledonia, 120 canons tonnant sous pavillon britannique. Face à eux, 11 navires français et quatre frégates, commandés par l’amiral Allemand. Des vaisseaux fiers, comme le Ville de Varsovie, réputé jusque chez l’ennemi pour sa beauté et sa puissance. Mais la disproportion est criante et les Anglais ne comptent pas s’en tenir à un duel classique. Ils préparent une arme redoutable : les brûlots. Le piège anglais Imaginez des bateaux sacrifiés, chargés de goudron, de poudre et d’explosifs, que l’on lâche au vent pour qu’ils viennent s’écraser en flammes contre les navires ennemis. À cela s’ajoutent des « machines infernales », bourrées de fusées et d’artifices imaginés par un certain colonel Congrève, un homme dont l’inventivité se mesure à la terreur qu’il inspire. Du côté français, on observe tout. Les soldats distinguent à la longue-vue la préparation des brûlots dans le camp adverse. On voit même des barils enflammés dériver vers la flotte, tests inquiétants mais ignorés par l’amiral Allemand. Pour protéger son mouillage, celui-ci fait dresser une barrière flottante, fragile digue d’espars* et de chaînes censée retenir l’assaut. L’attente fiévreuse Des chaloupes armées patrouillent ; on a démonté une partie des mâts pour limiter la prise au feu. Mais ces précautions, improvisées, se révéleront vite funestes. Le 11 avril au soir, le vent de nord-ouest souffle fort, la mer gronde. Vers neuf heures, l’horizon s’illumine : une trentaine de brûlots anglais dérivent, poussés par le vent et la marée. Dans la nuit sombre, la mer devient un brasier mouvant. Certains brûlots explosent trop tôt, d’autres s’égarent, mais l’un d’eux, mené par Lord Cochrane en personne, parvient au cœur de la flotte française. Une déflagration gigantesque pulvérise la barrière. Le chemin vers l’escadre française est ouvert. *Espar : Longue pièce de bois ou de métal utilisée comme mât, bôme, sur un navire. l illustratrice Illustratrice freelance depuis 2015, Blandine Pannequin nous fait découvrir son univers. À travers ses dessins, elle donne vie à ses personnages pleins de chaleur et sa flore réinventée. Elle illustre régulièrement pour la presse et collabore avec de nombreuses marques. @blandinepannequin À l’aube du XIXe siècle, la mer n’était pas seulement une promesse d’horizons nouveaux : elle était aussi un champ de bataille. Et c’est devant l’île d’Aix, en ce mois d’avril 1809, que se joua l’un des épisodes les plus spectaculaires de la guerre maritime entre la France de Napoléon et l’Angleterre. Aux témoins de l’époque, la scène resta gravée comme un cauchemar flamboyant : « la mer était en feu ».

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