Magzine du Département
Avant le Train des Mouettes I l l u s t r a t i o n OUVERTE EN 1876, LA LIGNE DE LA SEUDRE RELIAIT PONS À LA TREMBLADE ET ROYAN POUR Y FAIRE VENIR DES ESTIVANTS ET EN EXPORTER PLUS FACILEMENT LES PRODUCTIONS LOCALES (HUÎTRES, SEL). MAIS LA CONJONCTURE FORÇA TRÈS RAPIDEMENT L’ÉTAT À LA RACHETER… PUIS LA FERMER AUX VOYAGEURS 60 ANS PLUS TARD. L es chemins de fer furent l’internet du 19 e siècle : même révolution technologique et mentale, mêmes batailles boursières et politiques, mêmes profits astronomiques et faillites retentissantes. Et si tout s’acheva finalement en 1937 par la nationalisa- tion du réseau et la création de la SNCF, on peut dire que c’est dans nos Charentes qu’a été testée l’idée au départ très combattue que ce genre de réseau devait être géré publiquement. On était ici un peu dans un No Man's Land : la compagnie Paris-Orléans (PO) avait construit les lignes de Paris à Bordeaux et Nantes mais ne voulant rien faire entre les deux, les industriels et notables locaux se plaignaient de son désintérêt à leur égard et ne tardèrent pas à s’organiser tout seuls. Une « Compagnie des Chemins de fer des Charentes » fut montée en 1863 et mit en service dès 1867 un réseau reliant Angoulême, Saintes, Rochefort et Cognac. La période n’était pas la plus propice : la guerre de 1870-71 puis la crise ferroviaire de 1872 (engorge- ment complet dès le redémarrage de l’activité), enfin le krach économique mondial de 1873 expliquent peut- être pourquoi la « Compagnie des Charentes », déjà très occupée et peu en fonds, préféra ne pas gérer directement le projet de ligne reliant sa gare de Pons à Royan et La Tremblade. C’est donc son ingénieur en chef Louis Richard qui fut chargé avec un accolyte de signer en 1872 avec « le Préfet du Département de la Charente-Inférieure, agissant au nom du Département » une convention prévoyant la construction de cette ligne à leurs frais… et surtout ceux du contribuable puisque le décret de 1873 entérinant cette convention précisait que la nouvelle « Compagnie du Chemin de fer de la Seudre » recevrait 10000 francs de subvention par kilomètre de la part de l’État et 20000 de la part du Département, soit 2,13 millions de francs sans comp- ter près de 200 000 francs venant des communes. La ligne, qui permettait à la fois de transporter les productions de la presque-île (huîtres, sel des marais salants, bois) et d’acheminer les estivants à la toute jeune station balnéaire de Royan, fut mise en service en 1876… et rachetée dès 1880 par l’État pour 3,97 mil- lions de francs. « Le Ministre des Travaux Publics est autorisé à assurer l’exploitation provisoire de la ligne de Pons à la Tremblade, avec embranchement à Saujon sur Royan, à l’aide de tels moyens qu’il jugera le moins onéreux pour le trésor », précisait l’article 5 de la loi du 27 juillet 1880 votée à cet effet. La ligne de la Seudre rejoignit alors celles de la Compagnie des Chemins de fer des Charentes rachetées 2 ans plus tôt (pour éviter que le Paris-Orléans, alors mal vu par le Gouvernement, ne s’en empare) et constitua l’embryon, avec les lignes vendéennes reprises au même moment, de l’Administration des chemins de fer de l’État, premier réseau ferroviaire public à peu près cohérent qui triplera de taille en 1908 avec l’ex-Compagnie de l’Ouest puis se fon- dra en 1937 dans la SNCF qui, peu respectueuse de ses origines, ferma presque aussitôt (en 1939) notre futur Train des Mouettes aux voyageurs. 1 4 7 22 MAGAZINE DE LA CHARENTE-MARITIME #79 • MARS 2021
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