Rapport 2019 du médiateur du Département de la Charente-Maritime

2 Pourquoi analyser le dispositif de lutte contre la fraude aux prestations sociales ? — Au travers des réclamations individuelles qu’il traite, le Défenseur des droits a été amené à s’intéresser à la lutte contre la fraude aux prestations sociales – qui se distingue de la fraude aux cotisations sociales des entreprises (non traitée dans ce rapport) – et, plus particulièrement, à ses effets sur les droits des usagers des services publics. La fraude aux prestations sociales représente, selon la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), 3 % du montant total de la fraude détectée en 2015 1 et concerne un faible nombre des bénéficiaires (par exemple, en 2016, la Caisse nationale d’allocations familiales estimait que la fraude a concerné 0,36 % de ses allocataires). La lutte contre la fraude s’est considérablement développée depuis la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l’assurance- maladie. Un dispositif a été mis sur pieds par les pouvoirs publics, comprenant une procédure de répression des abus de droit en matière sociale, la création de la DNLF et des comités départementaux de lutte contre la fraude sociale. Leurs actions sont inscrites dans le cadre d’un plan national de lutte contre la fraude, adopté pour trois ans. Ainsi, les modalités de la lutte contre la fraude aux prestations sociales se sont elles-mêmes durcies et les organismes prestataires ont été amenés à mettre en place des dispositifs de contrôle. Dans le même temps, le législateur a simplifié les procédures d’octroi des prestations afin d’accélérer le traitement des dossiers. À ce titre, il a instauré certains mécanismes permettant l’ouverture de droits sur le fondement des déclarations des usagers. Ce système présente en effet l’avantage de réduire les démarches administratives des futurs bénéficiaires en vue de favoriser leur accès aux droits sociaux. Or, force est de constater que cette évolution, pour pratique qu’elle soit, ne permet pas la sécurisation de la demande de prestations, les organismes ayant tendance à ne vérifier les éléments déclarés par l’usager – situation familiale, professionnelle et financière – que plusieurs mois voire années après avoir versé les premières prestations. Face à cette situation tout à fait paradoxale où l’usager est pris en tenaille entre une procédure déclarative d’accès aux prestations sociales, propice aux erreurs, et un dispositif de plus en plus étoffé de lutte contre la fraude, véhiculant la suspicion d’une fraude massive de la part des bénéficiaires, le dispositif de lutte contre la fraude aux prestations sociales mérite d’être analysé à la lumière des droits des usagers des services publics. 1 Calcul réalisé à partir des montants de fraude détectée en matière fiscale, de cotisations sociales et de prestations sociales en 2015. Le Défenseur des droits est chargé de veiller au respect des droits et libertés par les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public. Au-delà de cette mission de protection, il est également investi d’une mission de promotion de l’égalité des droits, dont l’axe majeur est le développement de l’accès aux droits. Dans ce cadre, il porte une attention particulière aux personnes en situation, temporaire ou durable, de vulnérabilité, quels qu’en soient les motifs, ainsi qu’aux institutions et aux dispositifs de protection sociale dont le rôle en la matière est primordial. 55

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