Rapport 2019 du médiateur du Département de la Charente-Maritime

Un premier sujet concerne le contrôle proprement dit. De nombreux témoignages concordants dénoncent les procédés utilisés par les agents de contrôle lors de leurs enquêtes sur une éventuelle fraude : atteinte à la vie privée, manque d’informations relatives aux personnes interrogées lors des enquêtes de voisinage, refus de prendre en compte certaines pièces justificatives ou demandes de pièces abusives ; les visites se concluant souvent par l’affirmation des contrôleurs qu’ils sont agents assermentés… Afin d’être en mesure de se défendre, la personne soupçonnée de fraude doit être « informée dans le plus court délai de la nature et de la cause de l’accusation » (article 6 paragraphe 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme). Dans ce cadre, doivent lui être notifiés les griefs qui lui sont reprochés afin qu’elle puisse prendre connaissance des arguments de fait et de droit susceptibles de lui être opposés. Or, dans de nombreux rapports de contrôle consultés par le médiateur, il est indiqué que les personnes ont été informées de la visite par e-mail, alors que les familles ne disposent ni d’internet, ni d’adresse électronique ! Dans son rapport intitulé « le droit à l’erreur, et après ? » de 2019, le Défenseur des droits appelait de ses vœux le renforcement de la formation des personnes en charge du contrôle. Il proposait à ce titre d’insister sur le cadre procédural contradictoire, les règles déontologiques afférentes à la fonction de contrôleur, les droits et devoirs des contrôleurs et des usagers et sur les règles de rédaction du procès-verbal. Dans son rapport « lutte contre les fraudes aux prestations sociales : à quel prix pour le droit des usagers » de septembre 2017, ce dernier faisait plusieurs constats et recommandations : • Des règles et pratiques plus cohérentes, afin de permettre à l’usager d’identifier les difficultés ou de mesurer les enjeux de chacune de ses déclarations, • Mieux informer les bénéficiaires face à la complexité du cadre juridique : une information intelligible et accessible, • Renforcer les droits de la défense en insistant sur le caractère contradictoire de la procédure, • Préserver la dignité des personnes : le Défenseur des droits est fermement attaché à l’idée que les bénéficiaires des prestations sociales, y compris lorsqu’ils sont considérés comme fraudeurs, conservent certains droits, notamment celui de vivre dans la dignité. Il dénonce une pratique propre aux CAF, consistant, dès lors qu’une dette est considérée comme d’origine frauduleuse, à calculer le montant des retenues effectuées sur les prestations servies en remboursement de la dette d’un usager, non plus en fonction des ressources et des charges de la famille, mais en fonction du montant total de la dette, divisé par un nombre de mois maximum pour procéder au remboursement. Cette pratique, contraire aux dispositions juridiques en vigueur, a pour conséquence de déroger à la garantie dite du « reste à vivre ». Cette somme qui doit normalement être laissée à n’importe quel débiteur constitue un seuil en dessous duquel la possibilité de vivre dans la dignité paraît remise en cause. Enfin, selon le Défenseur des droits, les organismes apprécient de façon extensive la notion de concubinage se contentant souvent, par exemple, d’une adresse commune pour conclure à une vie de couple. Outre leurs effets dramatiques sur la situation des personnes, généralement précaires, ces dérives peuvent porter également atteinte aux principes d’égalité devant les services publics et de dignité de la personne ou encore au principe du contradictoire. Jacques TOUBON, Défenseur des droits RSA ET RELATIONS AVEC LA CAF Les litiges avec la CAF ayant fait l’objet d’une saisine du médiateur sont très nombreux : 23. La plupart de ces litiges sont relatifs à des suspicions de fraude. Si la lutte contre la fraude est évidemment parfaitement légitime, la manière dont elle s’exerce conduit à des dérives dans les procédures de contrôle, de qualification et de sanction de la fraude. MÉDIATEUR DU DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME RAPPORT2019 28

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